jeudi 9 juillet 2020

La France dans la tourmente, l’Allemagne aux commandes

La situation de la France devient un vrai Casse-tête
 
Olivier Véran et Agnès Buzyn mis sous le feu d’une enquête judiciaire, Didier Raoult vilipendé et humilié par toutes les instances médicales françaises, le confinement se termine en règlement de comptes. La bataille des chiffres se fait dans la plus basse malhonnêteté. On reproche au Pr Raoult les chiffres avancés alors que ceux-ci émanent des statistiques publiées dans les médias. Ou ces chiffres sont faux et ce sont les auteurs ou les journalistes qu’il faut accuser, alors pourquoi ne pas les avoir dénoncés plus tôt, ou ils sont vrais et une enquête sur le mauvais score de santé en Ile-de-France doit être diligentée. Tout sera fait pour étouffer l’affaire et pour manœuvrer par derrière pour empêcher le Pr Raoult de troubler les responsables politiques et médicaux du système de santé sous la coupe des grands laboratoires. Gilead ne lâchera pas son remdesivir avant l’arrivée du vaccin et poussera de toutes ses forces pour que l’Etat alimente la peur du rebond.


Le satisfecit affiché par Edouard Philippe et Castex est une hypocrisie éhontée. La France vit la levée de l’état d’urgence auréolée du titre de vice-championne du monde du plus grand dégât global, sanitaire et socio-économique, de la pandémie du COVID-19. Si sur le plan santé nous sommes à la 6ème place, nous sommes à la première sur la perte de croissance et l’augmentation de l’endettement à prévoir. La Suède, à la 5ème place des décès/million d’habitants, fait un peu plus mal que nous sur le plan des décès, mais a sur la France un avantage économique considérable en n’ayant pas confiné à résidence. Si la Belgique va finir au plus haut niveau de décès par habitant, elle semble avoir moins souffert économiquement. Si l’Italie a moins protégé sanitairement sa population, je dois montrer de nouveau que l’évolution des décès dans les deux pays par rapport à leurs populations respectives a été rigoureusement la même durant les 40 jours qui ont suivi le jour d’atteinte du 1 décès/million. Pour la France ce 40ème jour correspond au 10 avril. Dès le lendemain les évolutions se séparent au bénéfice de la France. Force est de constater que, hasard ou pas, cela correspond à la période de début avril où l’usage de la chloroquine a commencé même officieusement dans de nombreux hôpitaux. On ne peut pas pour l’instant trouver une autre explication sauf par une étude comparative de chercheurs spécialisés sur les pratiques de chaque côté des Alpes après le 40ème jour d’évolution de la pandémie.


Mais un fait géopolitique majeur émerge de cette crise épidémique transformée en crise économique par les pays de l’Europe de l’Ouest, trois pays ont échappé à la forte mortalité, la Suisse, le Portugal et l’Allemagne. Avec une politique de dépistage précoce, de tri, de confinement ciblé et d’incitation à la distanciation physique, l’Allemagne a préservé au mieux son économie. Elle a déconfiné plus tôt avec moins de contraintes imposées durant cette phase avec une souplesse d’action donnée aux Lands. Ses frontières avec les Pays-Bas et la Belgique sont restées très permissives. Avec 4,5 fois moins de décès qu’en France, l’Allemagne sort grandie de cette épreuve. Parmi les pays les plus touchés au monde (Belgique, Royaume-Uni, Espagne, Italie, France) notre pays affiche le plus désastreux impact économique.


La gestion française de l’épidémie avec le « quoiqu’il en coûte » est le choix de la dette à long terme, celle que l’on repousse devant soi quand on ne sait pas traiter les causes et que l’on minimise les effets. À défaut de prendre les bonnes mesures comme l’a fait notre voisine allemande, la France plonge son économie déjà en perte de vitesse avec -0,1% de croissance au 4ème trimestre 2019 dans une chute vertigineuse qui pourrait aller jusqu’à 20% de perte de PIB en 2020. Notre dette vue par l’UE pourrait dépasser les 120% du PIB en 2020, mais vue par l’OCDE qui tient mieux compte de tous les engagements de l’Etat, elle est déjà de 122% et pourrait s’approcher des 150% en 2020. La dette pour l’OCDE est la somme des catégories d'engagements suivantes (le cas échéant) : numéraire et dépôts, titres de créance, crédits, droits sur les régimes d’assurance, de retraite et de garanties normalisées, et autres comptes à payer. Nous risquons de devenir le 4ème pays le plus endetté du monde derrière le Japon, la Grèce, l’Italie, et les Etats-Unis. Mais le Japon a l’essentiel de sa dette détenue par les ménages japonais, ce qui n’est pas notre cas. D’où les regards du pouvoir sur l’épargne des français. La perspective la plus dangereuse pour l’Italie et la France, c’est de se voir incapable de rembourser le capital des emprunts arrivant à terme, de demander de les repousser dans le temps, et de se voir imposer des taux d’intérêts usuraires. C’est la situation grecque, où les grecs travaillent pour payer les intérêts de la dette avec une épée de Damoclès de la dette repoussée au-dessus de la tête pour des dizaines d’années et une mise sous tutelle de fait.


La perte économique va générer une perte d’emplois comme la France ne l’a jamais connue qui va pousser le taux de chômage largement au-dessus des 10% dès la rentrée d’octobre. Le rebond économique de sortie de confinement n’aura qu’un effet passager quand les grands moteurs économiques auront pris toutes les mesures pour survivre. Les licenciements, les délocalisations, les faillites vont se succéder sur toute l’année car les mesures d’aide provisoires tiendront hors de l’eau les plus réactifs et les plus solides mais laisseront finalement couler les autres. On va aller beaucoup plus loin dans la perte d’emplois que ce que génère l’assainissement normal qui veut que l’évolution économique tue les entreprises les moins solides et les moins adaptatives pour en promouvoir de nouvelles en plus grand nombre dans une économie de croissance. De la 7ème place de notre taux de chômage dans l’UE, nous risquons de passer à la 2ème place du plus élevé derrière l’Espagne !


            L’Allemagne aux commandes de l’Europe


Par sa perte de croissance, son endettement, et son chômage, la France devient un pays à risque et un grand pays malade dans l’UE des 27. A l’inverse l’Allemagne se sert de l’épidémie du COVID-19 pour réaffirmer sa suprématie et sort de son doute sur l’intérêt de l’Allemagne à continuer à appartenir à une UE en souffrance. Désormais l’Allemagne fait le choix de pousser l’UE en avant parce qu’elle y voit son intérêt. Son économie relativement peu atteinte, son équilibre budgétaire peu fragilisé, son endettement possible vu qu’il était en phase de résorption, son faible taux de chômage, son plus haut solde du commerce extérieur dans le monde, la placent de facto comme la super puissance européenne. L’UE sous influence allemande devient un objectif depuis le départ du Royaume-Uni et la chute économique de la France. L’Allemagne peut reconstruire l’UE à sa manière et se placer comme le pays leader de la relance en portant secours à la France, principal client et enrichisseur de l’Allemagne. Plus les capacités économiques de la France seront en-dessous de celles de l’Allemagne, plus le lien entre l’Allemagne et la France seront étroits mais dans une dépendance de plus en plus grande. Angela Merkel résume parfaitement sa pensée à propos du plan de relance franco-allemand : « Ce faisant bien sûr, nous agissons aussi dans notre propre intérêt. Il est dans l’intérêt de l’Allemagne que nous ayons un marché unique fort, que l’Union européenne devienne de plus en plus unie et qu’elle ne s’effondre pas. Ce qui était bon pour l’Europe était et demeure bon pour nous » Le Monde, 1er juillet 2020, p. 6.

Angela Merkel va assurer la présidence du Conseil des Ministres de l’UE et elle veut en terminer avec l’opposition entre les pays « frugaux » du nord de l’Europe, dont l’Allemagne faisait partie, (Autriche, Danemark, Pays-Bas, Suède qui rejettent le principe de subventions proposé par la Commission européenne) à l’égard des pays les plus touchés par la pandémie. L’heure est à la solidarité sous la houlette allemande :

« La pandémie a entraîné un énorme fardeau pour l’Italie et l’Espagne, par exemple, tant sur le plan économique et médical que, en raison de nombreux décès, sur le plan émotionnel. Dans ces circonstances, l’Allemagne ne peut pas seulement penser à elle-même, mais doit aussi être prête à faire un geste de solidarité extraordinaire. C’est dans ce sens qu’Emmanuel Macron et moi-même avons fait notre proposition »


La position allemande est pragmatique, mieux vaut pour l’Allemagne une UE unie et demandant un effort financier allemand plutôt qu’une UE brisée en deux ou trois blocs où l’Allemagne serait perdante économiquement et où le rêve pangermanique serait perdu pour longtemps. A l’heure de la pandémie où a régné le chacun pour soi, l’Allemagne veut recentrer les Etats sur leurs points communs et lutter contre le protectionnisme. L’éclatement de l’UE avec la possibilité de résurgence de droits de douane pourrait être plus fatal à l’Allemagne qu’un fardeau alourdi pour elle dans l’entraide mutuelle. Mais l’Allemagne tient désormais l’UE dans sa main. La présidence de la Commission européenne est assurée par une Allemande, Ursula von der Leyen. Toutes les missions importantes au sein de l’UE ont des représentants allemands en particulier pour tout de qui touche à la Finance. L’Allemagne verrouille pratiquement toute la marche de l’UE et même influe lourdement sur le choix des représentants étrangers. La présidence de la BCE, attribuée à Christine Lagarde, si tant est que celle-ci ne soit pas plus américaine que française, est un organisme indépendant dont la mission est définie par les traités et vient d’être recadrée d’ailleurs par la Cour constitutionnelle allemande de Karlsrhue pour dépassement de ses missions dans l’attribution directe de prêts aux Etats.


La partie n’est pas gagnée pour Angela Merkel mais elle a tracé la voie allemande en reléguant les visions idéologiques de Macron sur l’UE dans un pragmatisme qui enferme notre Président. Elle a posé les bornes de l’effort allemand en refusant la mutualisation des dettes. L’Allemagne entend mesurer son effort sans contrainte de l’UE. Cela étant les pays « frugaux » et le groupe Visegrad, des pays de l’Est très à cheval sur la défense de leur identité propre et signant entre eux des accords sans l’aval de l’UE, sont des obstacles de rébellion toujours en éveil. Les relations avec l’OTAN sont de plus en plus compliquées, avec Trump qui entend faire payer plus l’UE pour l’OTAN, et le conflit avec lui sur le gazoduc Norh Stream 2 amenant du gaz russe pour faire de l’Allemagne la plaque tournante de la distribution du gaz sur l’Europe. D’ailleurs l’Allemagne veut devenir aussi le château d’eau de la distribution électrique en devançant la France comme plus gros exportateur. Tout recul de la France, pays exportateur d’électricité, comme la fermeture de Fessenheim, renforce sa position de leader.


Par la primauté de l’importance de son soutien financier de sortie de crise, sa mainmise sur les principaux rouages du fonctionnement de l’UE, son importance stratégique pour l’OTAN, sa prédominance dans la fourniture des énergies, gaz et électricité, l’Allemagne dispose désormais des atouts de dépendance des autres Etats pour mettre l’UE à sa botte. L’affaiblissement spectaculaire de la France lui ouvre les portes. C’est sa position qui va prévaloir face aux deux grandes puissances du monde, Etats-Unis et Chine, et elle sera la seule à pouvoir garder une relation économique forte avec la Russie. Chaque chose en son temps mais l’habileté, et le pragmatisme patient d’Angela Merkel ne lâchera pas dans le court terme l’arrivée de l’Allemagne au Conseil de Sécurité de l’ONU dans un siège présenté par la France qui lui sera de plus en plus redevable.


Empêtrée dans une catastrophe économique et sociale qui va véritablement marquer ce pays dans le quatrième trimestre 2020, la France va devoir se retrouver des alliés pour pouvoir peser sur les décisions européennes. Malheureusement les contacts avec l’Italie sont empreints d’une teinte de rivalité de leadership des pays cigales, et la mayonnaise ne prend guère avec l’Espagne. La France est désormais isolée et cela d’autant plus que le Royaume-Uni va quitter définitivement l’UE probablement avec un « No deal » ou presque. Les français, qui n’ont toujours pas tiré un trait sur le lyrisme arrogant de Macron et vont encore croire que ce nouveau gouvernement est susceptible de créer un rebond nous évitant de continuer à descendre relativement au reste de l’UE, n’ont pas d’analyse des médias pour les avertir du danger d’une revanche allemande. Cette victoire allemande se prépare et se fera en douceur avant que le joug se fasse sentir. Attachés aux idées généreuses et de pensée mondiale, les Français aiment qu’elles soient reconnues dans le monde entier mais s’oublient ensuite dans leur application et dans les bénéfices à en tirer. André Comte-Sponville : « Les Français adorent donner des leçons au monde entier sans en recevoir de personne ».


De la déconsidération d’une partie du peuple 

De la fracture des systèmes de protection

De la désinformation et de la peur 

Va sortir une France affaiblie

Qu’une Allemagne 

Revancharde

Engloutira.


Claude Trouvé 
08/07/20

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