jeudi 1 août 2019

Brexit : Une bombe qui explosera l’UE


La France observe un silence poli sur la nomination de Boris Johnson au poste de Premier Ministre par la Reine d’Angleterre. Un télégramme a suffi à Macron pour féliciter le nouveau Président de la deuxième puissance européenne. Il faut dire que Macron a misé longtemps sur le fait que le départ serait reporté (sine die). Les Présidents du Conseil Européen et de la Commission Européenne n’en faisaient pas mystère. La position ferme de non-négociation devait dissuader Theresa May de déclencher un Brexit dur le 31 octobre. Les élections législatives britanniques ont changé la donne. Il est apparu que la perspective d’un deuxième référendum sur la sortie, longtemps évoquée dans les milieux conservateurs et dans l’UE, devenait injouable vu les résultats de ces élections. Le parti du Brexit a remporté à lui seul plus du tiers des voix, et le parti conservateur a fini cinquième avec 9% des voix. Le peuple a signifié qu’il était toujours partisan du Brexit et qu’il rendait le parti conservateur au pouvoir comme le grand responsable d’un atermoiement incompréhensible pour lui. Les médias et les partis politiques français n’avaient pourtant cessé de nous expliquer que le peuple britannique avait compris que la sortie était une mauvaise perspective et qu’une catastrophe allait s’abattre sur le Royaume en cas de sortie sans accord.

Le battage médiatique français continue et Macron campe sur une position dure et jupitérienne. Il se veut le porte-drapeau d’une UE conquérante, rassemblée et à vocation de puissance ce qui n’est pas dans les fondements des Traités. L’Union est encore bâtie sur une coopération liée étroitement au commerce mondial, la défense du territoire européen est confiée à l’OTAN. Même si l’UE s’est préparée à une sortie du Royaume-Uni, la France a toujours pensé faire payer le prix fort aux Britanniques et l’Allemagne qui voulait surtout privilégier ses exportations, automobiles en particulier, vers le Royaume-Uni, s’est montrée plus accommodante. L’UE voulait un Brexit sans véritable sortie où les règles commerciales étaient inchangées et où la justice européenne régnait en cas de conflit. Boris Johnson envoie à la poubelle de l’histoire le laborieux projet d’accord concocté avec Theresa May. Désormais on ne voit pas bien comment Boris Johnson pourrait renégocier un accord dans lequel l’UE prétend ne pas vouloir changer une virgule. Mis à part des modalités à préciser pour la frontière entre l’Irlande du Sud et du Nord, les mois de septembre et d’octobre ne laissent pas la place à un accord rebâti de fond en comble. Sauf évènement imprévisible, le Royaume-Uni sera hors de l’UE le 1er novembre 2019 et ce sera une date historique. 

Dès à présent ce n’est plus l’UE qui est en position de force capable d’imposer ses conditions, car en termes économiques c’est elle qui a beaucoup plus à perdre. Le commerce extérieur britannique est très déficitaire dans ses échanges avec l’UE et il est déjà en train de se réorienter vers d’autres fournisseurs en s’ouvrant de nouveau sur la Commonwealth, les Etats-Unis, la Chine et l’Inde selon son passé historique. De plus Boris Johnson s’entoure d’un cabinet de « Brexiteurs » et ne cache pas qu’il détient un argument de poids dans les discussions avec l’UE. David Cameron avait signé un accord budgétaire avec l’UE engageant son pays à verser une participation financière annuelle jusqu’en 2022 pour une somme totale de l’ordre d’une quarantaine de milliards d’euros. Dans la mesure où le Royaume-Uni quitte l’UE, cette participation n’a plus lieu d’être. En cas de conflit juridique avec l’UE, Boris Johnson peut invoquer qu’il ne reconnait plus cette justice. Même si la somme est partagée en deux, cela reste un trou énorme dans le budget européen, trou que les pays contributeurs, dont la France en deuxième rang derrière l’Allemagne, devront combler. Contrairement à ce que laisse accroire le gouvernement français et les médias aux ordres, il y a désormais une certitude : si le Royaume-Uni sort sans accord, la France sera une grande perdante, car elle a en plus un commerce extérieur excédentaire avec le Royaume-Uni.

Dans la jeune histoire de l’UE, il y aura un avant et un après Brexit. Rien ne sera plus comme avant. La France et l’Allemagne vont se retrouver face à face. Dans la prééminence, qui se joue déjà entre eux, sur les pays de l’UE, il y en aura un de trop. Le tripartisme Allemagne-France-Royaume-Uni sera clos. Seule l’OTAN fera le lien entre les pays européens. Mais si le Brexit devient possible, si l’UE ne peut plus retenir les candidats à la sortie, et si de surcroît le sortant ne montre pas une évolution catastrophique hors de l’UE, alors de nouveaux candidats vont apparaître. Pour le moins les exigences de souveraineté seront plus nombreuses et plus affirmées. S’ajoutera à cela les mouvements indépendantistes régionaux que l’UE soutient pour amorcer un détricotage de l’ensemble européen où leurs voix seront de plus en plus assourdissantes. Le cas de l’Italie peut sonner la mort de l’UE, car c’est dans ce pays que le peuple est le plus sceptique sur l’UE et l’euro. Son gouvernement fait pression pour mener sa propre politique et l’UE a déjà dû lâcher du lest en acceptant un déficit budgétaire plus élevé. La volonté de créer une monnaie intérieure en plus de l’euro ne fait plus mystère. Si ce système de troc avec le Trésor Public devient monnaie nationale, alors l’Italie se détachera de l’euro et ira vers l’indépendance complète. 

Un autre clivage va alors jeter le trouble dans les relations avec l’UE, c’est l’arrimage à l’OTAN où deux pays anglosaxons, Etats-Unis et Royaume-Uni, seront dans l’OTAN mais hors de l’UE. La volonté de créer une défense européenne, qui n’a d’intérêt que si elle a une indépendance, n’a pas de sens si elle est sous tutelle de l’OTAN. Mais la pression anglo-saxonne s’exercera pour pousser celle-ci vers les frontières de l’est européen en exerçant un clivage de plus en plus net entre l’ouest et l’est de l’UE où le groupe Visegrad affiche une volonté d’autonomie de plus en plus nette. La Pologne achète ses avions aux Etats-Unis et l’intérêt de l’UE pour elle c’est les 10 milliards d’aide mais plus encore le lien avec les Etats-Unis contre la Russie. Au fur et à mesure que l’économie polonaise continuera à redresser le pays, l’intérêt de l’UE s’amenuisera devant celui de l’OTAN. Désormais des forces aux intérêts de plus en plus divergents vont s’exercer sur l’UE avec un trio Allemagne-France-pays anglosaxons. Le poids Etats-Unis-Royaume-Uni va rendre illusoire la volonté de création d’une défense européenne ayant une autonomie suffisante pour avoir ses propres objectifs.

Le couple franco-allemand va se dissoudre dans une volonté réciproque d’hégémonie qui va opposer une Allemagne puissante à une France en perte de vitesse. L’enfumage par le verbe de Macron ne peut pas prendre dans une UE où l’Allemagne a tissé des liens privilégiés avec tous ses voisins au sud, à l’est et au nord.La France, où notre peuple ne veut pas abandonner ses illusions d’une UE fraternelle, tournée vers la paix et l’évolution sociale, ni l’euro qui en est le symbole et ayant vertu de protection, sera la principale victime du Brexit car elle n’est pas préparée au risque de l’indépendance. C’est elle qui va payer la perte de financement du budget européen due à la sortie d’un pays contributeur, et cela sans que son commerce extérieur ne retrouve l’équilibre. Pour le Royaume-Uni les vins australiens ou californiens concurrenceront mieux les nôtres. Le poids de l’Allemagne dans l’UE et l’importance pour elle de sa production automobile vendue au Royaume-Uni fera que celle-ci imposera à l’UE l’acceptation d’une exception d’un accord bilatéral Allemagne-Royaume-Uni sur ce point. Il n’est pas du tout sûr que nous trouvions un accord satisfaisant pour nos pêcheurs dans les eaux britanniques. Deuxième contributrice au budget européen, lancée dans une dispendieuse transition énergétique pour des raisons idéologiques sans espoir de changer quoi que ce soit dans la carbonisation du monde, pratiquant une politique d’austérité contraire à la relance économique, lourdement handicapée par un euro trop cher, très déficitaire dans son commerce extérieur particulièrement avec l’Allemagne, la France va entrer dans une phase mortifère. Si l’Italie sort, la France devra assumer avec l’Allemagne une situation financière catastrophique pour le budget européen. Le Brexit est le prélude à la mort programmée de l’UE par explosion ou par lente déliquescence. La situation financière des banques européennes est la pire dans le monde et une UE en conflit ne fera que créer une situation catastrophique pour tous les pays restants de l’UE.

La France sera plus gravement touchée car, après la Grèce, elle est le pays aux perspectives les moins souriantes. A titre d’illustration le graphique ci-contre montre les dernières valeurs partielles de la croissance en volume (hors inflation) publiées par Eurostat pour le 2ème trimestre 2019. En jaune est représentée une année glissante du 1er juillet 2018 au 20 juin 2019. On note la faiblesse de la croissance de la zone euro, d’ailleurs la France a fait un peu mieux mais moins bien que les 28 pays de l’UE. On note que la disparition du Royaume-Uni laisse la croissance inchangée. La Lituanie montre une fois de plus que l’UE profite aux pays bénéficiaires de la contribution des pays donateurs sans que le résultat global soit bon puisque la croissance de l’UE est la plus faible des grands ensembles économiques. En gris est représenté le 1er semestre 2019 et cette fois la France offre le moins bon résultat même si elle réalise un deuxième trimestre (en rouge) très légèrement supérieur à la zone euro. Ceci laisse d’ailleurs surtout présager une croissance allemande au deuxième trimestre inférieure à celle de la zone euro, ce qui va entraîner un ralentissement général de la croissance pour le semestre à venir. Les objectifs de croissance sont à la baisse et la France se dirige au mieux vers une croissance de 1,2% en volume ce qui est notoirement insuffisant pour espérer juguler le chômage. Les pays contributeurs du budget européen ont visiblement de plus en plus de mal à promouvoir l’ensemble de l’UE, et la zone euro voit baisser sa croissance. Le Brexit ne peut qu’empirer les choses en perdant un grand pays contributeur.

La France ne veut pas prendre en compte le Brexit 

Elle laisse croire que le Royaume-Uni est perdant.

Elle masque notre période difficile qui suivra 

Avec le poids budgétaire en surplus

Et le risque d’un éclatement 

D’une Union fragilisée.

Enfumage encore !

Claude Trouvé 
01/08/19

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