vendredi 8 mars 2019

Pollution des villes ou pollution des esprits ?


« Toutes les dix minutes, un Français meurt prématurément du fait de la pollution de l’air, et notamment des particules qui proviennent de la combustion des énergies fossiles. Cette hécatombe, c’est 48 000 décès par an, c’est plus que tous les accidents de la route, tous les suicides, tous les meurtres, toutes les noyades, tous les accidents domestiques réunis ».
 
Emmanuel Macron Président de la République Française (Discours du 27 Novembre 2018 en réponse aux « gilets jaunes »)

Macron a lancé (illicitement) la campagne européenne masqué derrière le grand Débat National où il cumule des dizaines d’heures de télés aux frais du contribuable. Attaqué par les écologistes sur ses reculs en la matière, il fait un show verbal avec de grandes phrases sur ce thème pour se dédouaner. Encore une fois, il s’agit d’un enfumage de plus, et le mot est particulièrement approprié dans ce cas. Il est redoutable car il fait appel à la peur de la population et justifie ainsi toute une politique de prédation financière du peuple. Qui ne donnerait pas son écot pour ne pas mourir ou voir mourir ses ascendants ou descendants. En plus il s’agit de notre responsabilité de ne pas polluer. Comme pour le nucléaire et le climat, la pratique de la peur est le moteur écologique essentiel dont les politiques font leurs choux gras quand ils y voient leur intérêt électoral. 

Alors raisonnons un peu avant de crier au feu et de payer les pompiers. Il y a désormais deux catégories de pollution de l’air, la pollution carbone d’une part, et toutes les autres pollutions d’autre part. Elles sont totalement différentes puisque la première n’est pas toxique pour l’homme aux taux rencontrés en air libre, alors que la seconde peut avoir un impact sur la santé. De plus l’accent mis par le Président porte sur les particules fines dégagées par la combustion de matières fossiles, essentiellement gaz, pétrole et charbon. La peur est donc fixée sur celles-ci avec un chiffre de 48 000 décès par an monté en épingle. Signalons déjà, précision importante, qu’il ne s’agit pas de mort instantanée mais de décès prématurés. L’une des principales causes de décès, comme pour le tabac, est le cancer avec pour cible l’appareil respiratoire. Or l’OMS, par le canal de son émanation le CIRC, évalue à 0,4 % la proportion des cancers survenant en France qui sont imputables à la pollution de l’air extérieur, soit 1 400 cas par an dont tous ne sont pas mortels, et dont rien ne prouve qu’ils soient liés aux activités humaines (Communiqué du CIRC du 25 juillet 2018). La différence des chiffres est si énorme qu’un doute peut peser sur les 48 000 décès, objet principal de nos peurs. Mais elle présuppose que notre pollution en particules fines est nettement au-dessus des normes de santé à respecter. Le doute plane donc sur la véracité des chiffres et sur le taux de pollution.

Le plus simple est de regarder les taux de pollution relevés en France et leur évolution mesurée en µg/m3. Le graphique ci-contre donne cette information en hiver et en région parisienne, saison et région propice aux plus hautes pollutions de particules fines. Le constat est plus que rassurant puisque les concentrations de fumées noires ont été divisées par 20 depuis les années 56-57. Quand je pense avoir vécu de 58 à 60 à Paris sur un boulevard périphérique, je me demande ce qu’il me reste à vivre. Cette plaisanterie n’est pas si innocente car elle demande à connaître la cause de la diminution effective dès 1964, et ce qu’il faut penser de la pollution actuelle. 

La première réponse est que cette très forte amélioration est due à la baisse importante des suies issues de la combustion du charbon, puis à l’amélioration des procédés de combustion et de traitement des échappements automobiles. Les teneurs de 2009 à 2017 sont ainsi les plus faibles jamais enregistrées… Pour répondre à la deuxième question il faut se référer à l’étude de la Santé Publique France sur la période 2007-2008 et publiée en 2016, étude sur laquelle s’appuie le gouvernement. Elle relève en effet qu’en 2007 – 2008, les concentrations moyennes en particules « PM 2,5 » étaient les suivantes :
 
    Communes rurales : 9,9 µg/m3
    2000 – 20 000 habitants : 10 µg/m3
    20 000 – 100 000 habitants : 10,9 µg/m3
    Zones urbaines > 100 000 habitants : 13,6 µg/m3

 On peut ajouter que la concentration à Paris en 2017 était de 12µg/m3. Mais l’intérêt de cette étude est le constat de quasi-égalité de pollution sur tout le territoire, hors des zones urbaines de plus de 100 000 habitants. La pollution des grandes villes a néanmoins diminué d’un facteur 13 à 14 depuis les années 1956-1957. Alors interrogeons-nous sur la norme de 4µg/m3 retenue par la Santé publique censée motiver un effort supplémentaire de dépollution. Notons tout d’abord que les chiffres fournis pour les communes rurales et urbaines datent de 2007-2008 et que, rien que sur l’exemple de l’agglomération parisienne montré plus haut, la concentration de 2017 est divisée de moitié. Mais plus important encore est que la norme de 4µg/m3 a été fixée en cherchant la pollution des communes les moins polluées en France. La carte ci-dessus montre qu’il s’agit essentiellement de zones montagneuses, ce qui va décevoir nos stations balnéaires, en particulier celles de l’Ouest balayées par le vent d’Ouest. Un coup d’œil sur la carte montre que toutes les communes concernées sont situées en montagne, à une altitude moyenne de 2 000 mètres, et pourquoi pas au sommet du Mont Blanc !

Et pourquoi pas me retorquerez-vous ? Alors je vous réponds qu’un objectif donné à un ensemble humain quel qu’il doit, doit être ambitieux mais accessible, selon les principes propagés par l’Assurance Qualité. On n’impose pas d’office le but d’intégrer Polytechnique à une élève entrant en sixième alors qu’il a encore des difficultés de lecture et de calcul, ni même aux autres d’ailleurs. La perspective du Brevet puis du Bac est largement suffisante pour organiser au mieux son rythme d’acquisition de connaissances. De toute évidence ce but normatif est inaccessible, car sa caractéristique est qu’il devient de plus en plus difficile à atteindre au fur et à mesure que l’on s’en approche et les moyens pour y parvenir croissent exponentiellement. D’ailleurs il existe d’autres normes dans le monde et le tableau ci-contre montre que la norme choisie par la France est la plus contraignante au nom des 48 000 décès prématurés évités. Remarquons au passage que ce nombre peut être aussi bien 17 527 ou 74 426, ce qui montre l’imprécision dans laquelle est cette étude, et le nombre exprimé à l’unité près a alors de quoi faire sourire. Le tableau ci-dessus montre que la France a choisi la norme la plus basse, derrière celles de l’UE, du Grenelle de l’environnement, de l’OMS, et l’hypothèse 2 de la Santé Publique France. Remarquons aussi que la marge d’erreur sur l’hypothèse 1 retenue englobe le nombre de décès de l’hypothèse 2, et de l’OMS.

La France veut donc encore se montrer plus royaliste que le roi, l’OMS en l’occurrence, dans le même esprit que sa croisade pour la décarbonisation quand la part de la France était de 0,74% en 2016 et que 10% en moins de carbone en France ferait baisser le taux mondial de 9 dix millièmes alors que le même pourcentage de baisse de 10% pour la Chine fait baisser le taux mondial de 2,8% soit plus de 3100 fois plus ! Ceci n’est pas hors sujet car la pollution dont il s’agit émet des particules fines que les Pékinois connaissent bien. Il faut savoir que les « fumées noires » sont le constituant majeur des particules fines « PM 2,5 », et que la concentration dans l’air de ces dernières est donc toujours supérieure à celle des fumées noires. Le résultat laisse sans voix. A la fin des années 1950, le taux des « PM 2,5 » dans l’air que respiraient les Parisiens avoisinait au moins 200, contre 12 aujourd’hui. Mais la comparaison dans le temps ne s’arrête pas là, les résultats dans l’espace sont tout aussi éclairants et même surprenants. Ce n’est pas aux Etats-Unis ni en Europe de l’Ouest que vous aurez affaire aux plus hautes concentrations de particules fines mais dans le désert du Sahel par exemple avec leurs fameux vents de sable. Alors je déconseille aux écologistes les voyages à Marrakech et au Sénégal même sous les cocotiers. 

Enfin par expérience j’ai toujours exprimé ma méfiance sur les bidouillages de chiffres, or le nombre de 48 000 décès est issu d’un calcul complexe faisant intervenir le nombre de décès constatés en 2007-2008, un coefficient de risque estimé dû à la pollution, la concentration observée et la concentration cible. Je vous fais grâce de la formule mathématique qui est du niveau d’entrée en faculté. De toute évidence ce nombre sert d’épouvantail mais n’a rien de scientifiquement sûr et, pour se faire, est généré par un objectif d’une ambition démesurée dont les conséquences sont très contraignantes pour le fonctionnement de notre économie, invalidantes pour nos déplacements et dispendieuses pour notre portefeuille.

Je vais terminer cet article par un coup d’œil sur l’une des conséquences de ce choix déraisonnable de la norme de 4,9µg/m3 en regardant ce qui a amené à une diminution sensible des concentrations depuis les années 56-57. Le transport automobile est pointé du doigt et le diesel est devenu honni. Ceci entraîne des achats de voiture à essence et électriques grâce à des subventions données tant aux acheteurs qu’aux producteurs. Le graphique ci-dessus donne l’évolution des normes pour les véhicules diesel depuis 1992. On voit que dès 2009 la pollution admise était 28 fois moindre dès 2009 et n’a pas évolué depuis. A ce stade on peut considérer que l’émission de particules fines par les voitures diesel est résolue et qu’aller plus loin serait économiquement déraisonnable pour un gain infime. L’âge moyen du parc autmobile actuel est entre 9 et 10 ans. Il en résulte qu’en gros la moitié du parc diesel est constitué de véhicules respectant la dernière norme et que l’autre moitié a déjà diminué la pollution d’un facteur de 5 à 6 par rapport à 1992.

Mais le plus étonnant est ce tableau donnant la norme pour les véhicules à essence. Si les véhicules diesel polluaient 5 fois plus en 2005, ce n’est plus le cas depuis 2009. On peut même dire que ceux construits depuis cette date polluent moins que les véhicules à essence parce qu’ils sont plus économes en carburant. La guerre au diesel n’est plus justifiée sauf pour des raisons de renflouement des caisses de l’Etat et la surtaxation du gas-oil est tout simplement une arnaque de plus. Début janvier les immatriculations des véhicules diesel et essence représentaient 92,75% laissant peu de place aux véhicules électriques essentiellement hybrides et avec une inversion de la proportion essence/diesel en faveur de l’essence depuis 2015 due à l’impact de la politique gouvernementale. S’il n’y a plus de raison écologique de supprimer le diesel, la politique actuelle vise donc un autre objectif en se cachant derrière une raison écologique désormais illusoire mais très vendeuse dans l’opinion. 

La voiture électrique se fraie très lentement un chemin en prenant principalement sur les anciens propriétaires de véhicules diesel, et pour cause, mais elle n’amène pas un progrès sensible sur les particules fines à cause de son freinage qui émet plus que les autres véhicules et au-delà des émissions des pots d’échappement. Par ailleurs la course à la diminution de la pollution amène à des contraintes sur la circulation en particulier dans les grandes villes pour dépassement d’une norme plus contraignante que partout dans le monde avec l’illusion de devoir respirer un air d’altitude à 2000m pour ne pas mourir prématurément alors que l’altitude moyenne des communes françaises est de 300m. La promotion de Saint-Véran, le plus haut village de France, est assurée. Quittez vite vos résidences du bord de mer. Je pense à mes voyages en train dans les années 50 où la fumée des trains vous couvrait d’escarbilles. Ma tante morte centenaire a eu une chance inouïe d’échapper à une mort prématurée.
 
Il s’abat sur la France un climat de déraison 

Qu’alimente un pouvoir vendu aux riches

Surfant de plus sur des dogmatismes 

Enlevant le peu de sens critique

Qui pourrait encore éviter 

Une politique mortifère

Désormais délirante !

Claude Trouvé 
08/03/19 


PS : Cet article a fait de nombreux emprunts à celui de Christian Gérondeau : « Pollution aux particules fines « PM 2,5 » : 48 000 décès imaginaires ». Je salue le travail remarquable de ce Haut-fonctionnaire sur ce domaine de l’écologie, et auteur de nombreux livres.
 

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