L’article
précédent a mis le doigt sur un décalage entre les dépenses publiques en
pourcentage par rapport au PIB et les dépenses publiques par habitant, et ceci
par comparaison avec le Danemark, pays cité en exemple par Macron. Ce constat
était apparu dans la comparaison avec des grands pays de l’UE et il convient
d’étendre celle-ci sur les pays dont les données sont disponibles dans les bases
de données de l’OCDE. Celles-ci sont presque complètement renseignées pour
2016. Le graphique ci-contre montre le pourcentage des dépenses publiques annuelles
par rapport au PIB d’un grand nombre de pays, principalement européens. La
France est en tête parmi 28 pays dont 4 en dehors de l’Espace Economique
Européen, 3 en dehors de l’UE. On pourrait tirer gloire de ce classement
sachant que les dépenses sociales en sont une grande partie. Il prouve que la
France est attachée à un modèle social qui prône la solidarité des plus riches
vers les plus pauvres. Notre pays partage cette orientation politique avec la
Finlande, le Danemark et notre voisine, la Belgique. A l’autre extrémité des
taux faibles, on trouve paradoxalement les pays européens riches, comme
l’Irlande et la Suisse avec les Etats-Unis et le Japon. On voit bien qu’il
s’agit d’une orientation politique quand on compare deux pays étant parmi les
plus fortes valeurs du PIB/habitant au monde, à savoir la Suisse et la Norvège.
Ces deux pays sont pourtant aux antipodes du modèle social.
Mais le but de la
redistribution n’est pas la part du PIB qui est consacrée au modèle social mais
l’argent consacré par habitant. Cet indicateur donne l’image de ce que nous
pouvons espérer comme transfert vers le citoyen dans l’ordre inverse du niveau
de richesse. C’est l’accès des plus démunis à l’éducation, à la santé, à la
culture, à la prise en charge des handicaps, à la sécurité et la justice pour tous,
à la protection de nos richesses nationales comme le patrimoine, etc. C’est
aussi les moyens de défense, le maintien et l’évolution de infrastructures. C’est
en résumé ce que l’on peut faire avec l’argent du PIB. Il ne suffit pas d’allouer
un gros pourcentage du PIB pour cela si ce PIB est relativement maigre. Le
graphique ci-contre abaisse nettement notre autosatisfecit de pays donnant les
moyens de solidarité les plus importants. Nous ne sommes plus qu’à la 9ème
place et plus à la première. Cette fois, ce sont les pays les plus riches,
au meilleur PIB/habitant, qui sont en tête. La Suisse en queue de peloton pour
le pourcentage de dépenses/PIB est cette fois à la 3ème place.
Néanmoins l’orientation politique des pays du Nord, Norvège, Danemark, Islande,
Suède, placent ces pays dans les premières places grâce à un PIB/habitant
élevé. A contrario les dépenses/PIB montrent la volonté politique de la Hongrie
et de la Grèce, mais faute d’un PIB suffisant le résultat est très faible
rapporté au nombre d’habitants. Les inégalités ne seront pas corrigées car la
solidarité reste un vœu pieux par manque de moyens financiers.
Autrement dit, cette volonté politique
de dépenses publiques existait toujours en 2016, mais le recul relatif de
croissance de notre pays érode son résultat financier. Le graphique ci-contre
croise les deux indicateurs dépenses/PIB et dépenses/habitant, après avoir
retiré les pays extrêmes par leur PIB/habitant à savoir Norvège, Suisse,
Islande, Etats-Unis d’une part, Hongrie et Grèce d’autre part. Un lien fort
apparaît alors entre ces deux indicateurs, ce qui est assez normal, et on note
que 1% de plus de dépenses/PIB entraîne une augmentation de 970 euros par
habitant. On constate aussi que la politique de dépenses du Danemark donne sa
pleine efficacité mais avec un PIB/habitant de 44% supérieur au nôtre ! Le
Royaume-Uni, les Pays-Bas, l’Allemagne et la Suède montrent un retour sur l’habitant
très supérieur à l’ensemble des autres pays pour un même pourcentage de
dépenses/PIB. Ces quatre pays ont un PIB/habitant très supérieur au nôtre. A contrario
la Pologne, la Slovaquie, le Portugal, la Slovénie, l’Italie et surtout la France,
font nettement moins bien que la moyenne des pays.
L’engagement
solidaire consacrant une part importante du PIB ne suffit pas, encore faut-il
que la richesse du pays soit au rendez-vous. Prenons le cas de la Grèce qui
consacre près de 50% des son PIB aux dépenses publiques, soit un peu plus que
la moyenne des pays européens. Elle ne dispose que de 8000 euros/habitant alors
qu’elle devrait en disposer plus du double selon la moyenne des mêmes pays. La
maîtrise des dépenses publiques est le nerf de la guerre de la gestion d’un
pays. Mais si le pays est en décroissance relative et si les règles d’austérité
sont appliquées sur celles-ci, la décroissance ne peut que s’accélérer. C’est
ce qui s’est passé pour la Grèce. Les économies de gestion ont peu représenté par
rapport aux économies sur la solidarité (retraites, salaires publics,
allocations diverses, etc.), sur la qualité des services publics et des
infrastructures comme on vient de le voir en Italie. La diminution générale du
pouvoir d’achat avec une augmentation globale de la pression fiscale, alliée à
celle des retraites, des allocations diverses, des prestations de santé, etc.
se retrouve dans la diminution de la consommation et de la croissance. Si une part importante de cette ponction part
sur l’aide aux entreprises en croyant booster la croissance, on oublie
seulement qu’une bonne part de celles-ci repart à l’étranger dans la fuite des
capitaux, les délocalisations, les paradis fiscaux, les investissements sur du
matériel étranger (cf. les éoliennes par exemple).
La France
n’a pas bénéficié de son entrée dans la zone euro et sa compétitivité s’est
détériorée au fil des ans alors qu’elle a maintenu une politique de solidarité.
D’année en année elle a augmenté le pourcentage de dépenses publiques au-delà de
ce que la croissance lui permettait. La croissance des dépenses de santé est
visible sur le graphique ci-contre. Alors que la France, le Danemark et l’Allemagne
consacraient des pourcentages du PIB pour la santé très proches en 2001, la
situation s’est aggravée rapidement jusqu’en 2010. Sommes-nous mieux soignés
pour cela ? Les français vantent partout leur système de santé, est-ce vrai ?
Le prochain article essaiera d’y répondre.
« Rien
de sert de courir il faut partir à point » La
Fontaine
Rien ne sert de partager grassement sa
bourse
Si elle se vide, c’est là le problème
français.
L’austérité est mortifère sans
croissance.
Elle ne cautérise pas, elle gangrène.
Sortie de l’UE et dévaluation
Sinon point de salut !
Claude Trouvé
04/09/18
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire