vendredi 23 octobre 2020

Masques et confinements multiformes sont-ils utiles ou néfastes pour le pays ?

 Le point sur l’effet des mesures sanitaires

Le bilan du 20 octobre de 262 décès du COVID-19 nous ramène à celui du 24-25 mars soit sept mois en arrière au commencement de l’épidémie avec la montée des décès. L’accroissement de 90 décès/jour depuis 2 jours ressemble à celui du début de la 1ère phase de l’épidémie. Cela pourrait laisser craindre un emballement des décès nous poussant à plus d’un millier de décès/jour. La différence c’est que le nombre de cas le 25 mars était de 2 929 et de 25 008 le 20 octobre soit plus de 8 fois plus élevé. Si on estime un décalage de 12 jours entre le constat des cas et celui des décès on avait 788 cas dans la journée du 13 mars et 18 129 le 8 octobre soit 23 fois plus. Le graphique ci-contre montre sans ambiguïté que cette deuxième vague s’annonce comme une vaguelette, et n’a rien à voir avec la première dans sa vitesse d’évolution. Il est très probable qu’elle va atteindre rapidement un plateau puis redescendre malgré (et je dis bien malgré) une campagne de dépistage sans commune mesure avec celle pratiquée en mars-avril. Au bout de 45 jours d’évolution de ces deux vagues le nombre cumulé de décès de la deuxième est déjà 6,3 fois inférieur à celui de la première. Mais luttons-nous efficacement ?

France-Suède : deux stratégies différentes de lutte contre le COVID-19


Le cas de la Suède est particulièrement intéressant parce que la courbe des cas entre la 1ère phase de l‘épidémie est différente de la plupart des autres pays et en particulier de la France. La Suède a eu jusqu’au 31 mai une évolution de l’épidémie assez semblable à la France. Le rapport décès/cas a été de l’ordre de 7 pour les deux et le 31 mai le nombre de décès par million d’habitants était voisin de 430. L’énorme différence c’est le confinement à résidence pour la France, et des mesures incitatives à la pratique des gestes habituels en cas d’épidémie par appel au civisme mais sans restriction des libertés de déplacement et dans une vie sociale, éducative, culturelle et économique peu perturbée. La suite après le 21 mai est différente dans le résultat sur les décès. Tandis que la France mettait en sommeil la pratique des tests et déconfinait partiellement avec une incitation au port de masque et à la distanciation dans les lieux publics, la Suède relançait une campagne importante de tests. On peut penser que dans l’esprit de l’immunisation collective prônée par la Suède, l’accalmie de l’épidémie incitait à accélérer le dépistage pour éviter un rebond et connaître le taux d’immunisation acquis. Il s’en est suivie une décroissance beaucoup plus lente des décès en Suède alors que la France connaissait une stagnation du dépistage et une décroissance rapide des décès jusqu’à fin juillet. Le nombre de décès/million d’habitants de la Suède s’est rapidement augmenté et les courbes d’évolution de ce marqueur se sont distancées avec un rapprochement du résultat obtenu par l’Italie. Au 15 juillet le nombre de décès/million en Suède était supérieur de 21% à celui de la France et 6% inférieur à celui de l’Italie. On peut penser que le taux d’’immunisation des Suédois était très supérieur à celui de la France vu la liberté totale de mouvement chez eux. Cette phase suédoise de dépistage accéléré a connu son apogée fin juin et s’est prolongée jusqu’à fin août. Le nombre de décès étant alors retombé à un très faible niveau, la Suède a tenté de nouveau une campagne accélérée de tests, sans doute dans le même esprit que précédemment. On constate aujourd’hui que le résultat obtenu depuis septembre est cette fois totalement à l’avantage de la Suède par rapport à la campagne forcenée de dépistage menée par la France sur la même période. Le nombre de décès/million d‘habitants a été de 64% moins élevé qu’en France et le nombre total de décès/million depuis le début de l’épidémie n’est plus que de 14,6% supérieur à celui de la France. Ajoutons à cela que le nombre de décès journalier reste faible et non évolutif en Suède alors qu’en France sur les trois derniers jours on est sur une progression de 90 décès/jour ! La France se paralyse toujours, la Suède vit normalement ou presque depuis le début de l’épidémie.

J’ai pris la comparaison avec la Suède qui est un cas à part en Europe depuis le début de l’épidémie. La stratégie suédoise est bâtie sur un concept totalement différent de celui retenu par la majorité des pays européens et se voit même sur sa politique de dépistage. Si j’avais pris la comparaison avec la Norvège, la Finlande, le Danemark ou la Biélorussie, on n’aurait pas eu la même différence de stratégie, à part le port du masque, et on n’aurait pas à réfléchir ni sur la dualité sanitaire et économique sous-jacente au choix des stratégies dont on va parler, ni finalement sur le rapport à la mort de notre civilisation. En effet tous ces pays ont un bilan sanitaire très inférieur au bilan sanitaire français contrairement à la Suède et ne posent que la question de l’efficacité des mesures prises et des moyens mis en œuvre.

Y a-t-il un lien direct entre le nombre de décès/habitant et la perte de croissance ?

Après avoir prôné le « Quoiqu’il en coûte », la France a finalement tergiversé et donné des moyens de survie aux entreprises en assouplissant les mesures sanitaires et en les subventionnant ou en permettant des reports de charges. Les mesures sanitaires liberticides ont au contraire pesé lourdement sur la population dans sa vie sociale, culturelle, éducative et même économique par l’augmentation du chômage et de la pauvreté. Puisque le paramètre économique a été finalement dans la tête de tous les dirigeants européens, il est temps de mettre en regard le résultat sanitaire et celui économique. Le graphique présenté ci-dessous montre le résultat obtenu à fin juin sur la variation de la croissance du PIB en abscisse et le nombre cumulé de décès/million d’habitants au 31 mai, l’économie ne réagissant qu’avec retard. Nous ne disposons pas encore des résultats sur le PIB pour le 3ème trimestre mais, mis à part que la situation relative des pays a pu un peu évoluer dans ce trimestre, les conclusions générales ne devraient pas être fondamentalement changées.



La réponse au lien fort entre le résultat sanitaire et la croissance apparaissant visuellement n’est pas statistiquement prouvée, ce qui sous-entend qu’un paramètre au moins s’avère plus important encore que celui du résultat sanitaire du nombre de décès. Néanmoins on perçoit bien que la stratégie de lutte utilisée a une importance considérable si l’on regarde les pays du Nord et particulièrement la Suède. Cette dernière apparaît comme le point le plus divergent par rapport à la droite de tendance avec un bilan sanitaire égal à la France au 31 mai mais une décroissance 2 fois et demie plus faible. Mais les 3 pays Norvège, Finlande, et Danemark montrent qu’ils avaient appliqué une bonne stratégie jusqu’à fin mai. Celle-ci minimisait les décès et la perte de croissance. Ceci veut bien dire que chez eux les contraintes sanitaires étaient moins invalidantes pour l’économie, ce qu’ont moins bien fait par les Pays-Bas qui ont aussi appliqué une politique plus laxiste sur les contraintes sanitaires. A l’autre extrémité on a la Belgique dont on peut dire que ses gouvernants ont protégé au maximum l’économie sans trop se soucier du résultat sanitaire ou n’ayant pas les moyens hospitaliers permettant de soigner efficacement. Quant à l’Espagne et au Royaume-Uni ils ont eu sans doute la plus désastreuse politique globale avec un mauvais résultat sanitaire et une terrible décroissance. La France et l’Italie obtiennent un résultat global un peu moins désastreux. Parmi les pays ayant obtenu un excellent bilan sanitaire au prix d’une décroissance significative on peut voir l’Allemagne, l’Autriche, la Hongrie et la Grèce. Pour cette dernière on sait les efforts qu’elle a fait pour rendre ses frontières imperméables tout en subissant une perte touristique sur son économie. Pour la perte touristique on peut citer le Portugal et bien sûr l’Espagne. Il ne faut pas oublier la performance économique de l’Irlande au prix d’un résultat moyen sur le plan sanitaire mais meilleur que la Suède.

Que déduire de cela sur le lien entre le taux de mortalité et la perte économique ?



On voit que le lien n’est pas significatif mais on peut pousser plus loin l’analyse sur ce graphique. Il apparaît alors deux groupes distincts basés sur une appréciation différente du « prix à payer » pour sortir de l’épidémie. Il y a les tenants du « quoiqu’il en coûte » ou avec une acceptation d’un prix fort à payer, et ceux du « ce n’est pas la peste et le choléra » et l’économie ne peut pas supporter n’importe quel prix à payer pour sauver des vies. On en revient à la Suède qui a choisi l’immunisation collective en considérant que cette épidémie de type grippal ne méritait pas de bouleverser gravement l’économie du pays après avoir mesuré la dangerosité du virus. Dans les 17 pays étudiés on peut alors distinguer 2 groupes de pays. Le premier regroupe 8 pays (Finlande, Norvège, Danemark, Suisse, Irlande, Pays-Bas, Suède, Belgique), le second 9 pays (Allemagne, Grèce, Autriche, Hongrie, Portugal, France, Italie, Royaume-Uni et Espagne). Cette fois le lien indirect entre le nombre de décès/million d’habitants et la croissance est significatif dans les deux groupes. La variation de l’économie en fonction du nombre de décès est très proche dans les deux groupes. Dans le premier groupe que je nommerai « L’économie d’abord » la perte de croissance de 1% est liée à une augmentation de 100 décès/million d’habitants.  Dans le second groupe « La santé d’abord » la perte de croissance de 1% est liée à une augmentation de 81 décès/million. La sensibilité au nombre de décès est un peu plus grande dans le second groupe, ce qui paraît logique, mais dans les deux groupes les politiques sanitaires menées sont statistiquement liées aux pertes de croissance. Mais le facteur du choix d’une stratégie s’avère très important dans l’esprit des mesures sanitaires prises, puisqu’à nombre égal de décès/habitant le premier groupe « Economie d’abord » minimise dès le départ la perte de croissance en moyenne de -7,4%. Ce chiffre est énorme, c’est une perte de 440 milliards sur le PIB pour le semestre, lié au choix stratégique de la France, sans parler de son endettement.

C’est ce choix stratégique de départ dans l’esprit des mesures sanitaires à prendre qui influencera le plus le résultat final économique et sanitaire des pays européens. Evidemment le choix des mesures sanitaires et de leur efficacité va différencier ensuite les pays dans chacun des groupes. Les pays du Nord ont pris les bonnes dispositions sanitaires et la Belgique les mauvaises dans le premier groupe. L’Allemagne et le Danemark ont pris les bonnes et l’Espagne et le Royaume-Uni les mauvaises dans le second groupe. L’adéquation des moyens sanitaires aux politiques suivies est certainement ensuite la principale raison des succès ou des échecs. La politique sanitaire française du choix « Santé d’abord » et « Quoiqu’il en coûte » n’a visiblement pas trouvé l’adéquation entre les mesures sanitaires sur la population et les moyens. La mascarade des masques inutiles puis obligatoires en est l’illustration. Mais les « accommodements » pour les entreprises n’ont pas non plus donné une ligne claire compréhensible et finalement peu efficace tant sur le plan économique que sanitaire. Dans une politique brouillonne du « en même temps » la France n’a pas brillé dans ce premier semestre 2020. La comparaison de la France et de la Suède montre clairement que la France a fait un choix stratégique mal assumé alors que la Suède a clairement appliqué son choix stratégique de l’immunisation collective et a sauvé son économie sans avoir un bilan sanitaire plus mauvais que le nôtre jusqu’au 31 mai.

Le port du masque a-t-il fait ses preuves dans la 1ère phase épidémique ?

Cette politique suédoise du non-confinement généralisé et du non-port de masque nous amène à constater que dans le premier groupe « L’économie d’abord » 5 pays sur 8 n’ont pas recommandé le masque dans la période suivante jusqu’à fin septembre et en plus parmi eux la Suède n’a pas confiné. Dans les 9 pays du groupe « La santé d’abord » le confinement plus ou moins généralisé et le port du masque ont rapidement été obligatoires avec un retard sur ce dernier point en France. Le taux moyen de décès/million d’habitants étant de 296,7 dans le 1er groupe et de 281,0 dans le second, on peut en déduire que le port du masque n’apparaît pas comme un facteur déterminant dans les mesures sanitaires durant la première phase la plus active de l’épidémie. La question se pose donc de son utilité actuelle en dehors des personnes infectées et projetant des miasmes dans leur entourage. On est alors sur les mesures de bon sens qui prévalent en période épidémique grippale sans masquer toute une population avec les inconvénients sanitaires et psychologiques qui apparaissent désormais.

Le confinement est-il un passage obligé en cas de rebond des décès ?

La réponse est plus difficile par une étude statistique car on ne dispose en Europe que d’un seul pays où le confinement partiel ou généralisé a été clairement abandonné. Si l’on admet que la propagation du virus en Europe se fait très rapidement, puisque les mouvements de population d’un pays à l’autre sont importants vu les courtes distances et le filtrage aux frontières politiquement difficile dans l’espace Schengen, on peut considérer que la France et la Suède subissent la même attaque virale avec un faible décalage dans le temps. De plus il faut définir ce que l’on entend par confinement car il est multiforme, depuis la ville morte et le chacun chez soi avec le minimum d’activités dans les entreprises et les services publics indispensables, jusqu’au port du masque recommandé qui est un confinement volontaire ou au couvre-feu qui fige le confinement dans un espace-temps plus ou moins long. Tout est plus ou moins un confinement même la distance de 2m entre les tables d’un restaurant qui délimite votre droit de déplacement. On pourrait dire que la restriction de liberté est un confinement en soi. La distanciation sociale est un confinement par éloignement des autres et amenuisement de la liberté d’échanger.

Une fois que ceci a été dit, entre la France et la Suède on a une conception différente à la fois sur la mort et sur l’attachement à la liberté. Or ce n’est pas le pays qui met « Liberté » sur ses mairies qui en ce moment montre son plus grand attachement à la liberté. Le Suédois accepte le principe de la loi de la nature qui s’attaque aux plus fragiles, et il ne consentira pas d’y revenir au prix de sa liberté de vivre comme lui permet la conception civilisationnelle de son pays. Alors on peut regarder encore ses deux pays si différents dans la géographie, l’histoire, la proximité, le climat et enfin dans la façon de faire face à l’adversité d’un virus jusqu’ici inconnu après avoir vu les différences sanitaires et économiques dans le premier semestre.

Après avoir comparé la France et la Suède sur le premier semestre regardons maintenant ce qui se passe sur la période 1er juin-15 juillet où on assiste à une accalmie des décès en France mais à une fin de 1ère phase poussée à fin juillet pour la Suède.  Ceci est probablement dû à une propagation plus lente du virus sur une population qui s’immunise plus vite qu’en France. Les chiffres sont éloquents sur ce point. L’augmentation du nombre de décès/million d’habitants est de 115,6 pour la Suède et 6,0 pour la France. Ceci a permis dès la mi-juillet de claironner que la France avait de meilleurs résultats que la Suède mais sans parler du taux d’immunisation obtenu dans la population suédoise ni de sa minimisation de la perte économique.


Mais revenons maintenant sur la situation du 15 juillet au 21 octobre visualisée sur les graphiques ci-contre. Il apparaît qu’en effet la 1ère phase de l’épidémie se termine fin juillet pour la Suède au lieu de fin mai pour la France. Mais il est aussi évident que la Suède vit mieux au-delà du 15 juillet et jusqu’à maintenant. Les chiffres sont aussi là pour le prouver avec une augmentation des décès/million d’habitants de 35,1 en Suède et de 58,6 en France soit 70% de décès/million d’habitants en plus. Par ailleurs on note que la Suède est sur une constance journalière de décès mais à un faible niveau, alors que la France subit une montée exponentielle des décès depuis le 8 septembre même si les nombres atteints restent faibles par rapport à ceux de début avril. La Suède reste néanmoins à un nombre de décès/million le 21 octobre supérieur de 14,6% depuis le début de l’épidémie.

Que peut-on en conclure ?


On en revient au débat de fond sur l’objectif recherché dans la lutte contre le virus. Autant de pays, autant de stratégies se sont faites jour mais il y a bien fondamentalement une différence nette sur les sacrifices que l’on consent à assumer. Le « Quoiqu’il en coûte » de Macron est bien la position électoralement favorable dans un pays devenu frileux et considérant que la mort doit être repoussée le plus loin possible. Cette position n’a pas été tenue fermement mais s’est cantonnée en fait dans l’indécision et le « en même temps ». Alors a-t-on fait mieux que la Suède ? Oui pour l’instant sur le plan sanitaire puisque notre taux de mortalité est plus faible. Toutefois la partie n’est pas finie car la Suède résiste mieux que nous à une nouvelle attaque virale si tant est qu’elle n’est pas provoquée chez nous par une folle politique de dépistage saturant les moyens et les personnels de santé sur des parcelles de territoire de plus en plus étendues quand on constate que de nombreux pays ne sont pas impactés. D’ailleurs à raison de 200 décès/jour comme le 19 octobre il ne faudra qu’un mois pour dépasser la Suède en nombre de décès/million d’habitants. Mais à quel prix obtient-on ce gain temporaire sur les décès ? Notre économie a une perte de croissance 2,3 fois plus élevée, nos moyens hospitaliers ont été saturés et le restent encore localement, les personnels de santé sont tellement harassés que certains sont en congé longue durée ou démissionnent, la vie sociale, culturelle, éducative, économique est de nouveau en passe de se dégrader, notre déficit commercial s’aggrave, notre dette explose, les dégâts psychiques et physiologiques avec le port du masque croissent et nous vivons dans la peur d’un confinement généralisé à domicile. Le taux d’immunisation obtenu est de plus faible et les nouvelles mesures coercitives du couvre-feu vont diminuer encore la progression de celle-ci. Aucune étude sérieuse ne garantit l’efficacité sanitaire du couvre-feu sur le taux de mortalité alors que l’impact économique est lui certain.

La France navigue à vue sans savoir vraiment après quoi elle court.

On a l’impression d’un équipage sur un navire qui prend l’eau.

Les canots de sauvetage ne sont pas en état de marche.

Les marins s’épuisent à pomper l’eau sans cesse.

Le capitaine donne ordre et contre-ordre.

Et le barreur ne tient plus le cap

Tant il varie selon le vent.

Le navire s’enfonce

Et tourne en rond.

Claude Trouvé

22/10/20 

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