mercredi 22 août 2018

Bientôt le jour d’après et alors ? (Suite 5)


Par l’article précédent de ce blog, nous savons ce qu’il faut penser de la diminution du coût du travail comme vecteur de croissance. Mais il existe une autre affirmation qui court encore aujourd’hui dans un article dit économique lu hier au sujet de la nécessité de diminuer les dépenses publiques comme la vraie solution de sortie de la descente relative actuelle de notre pays. Evidemment la cible est aussitôt la charge des fonctionnaires dans le budget de l’Etat. Cette vérité est tellement martelée qu’elle est devenue un lieu commun tant il est vrai que les fonctionnaires sont ciblés comme des improductifs. Pourtant l’exemple de la Grèce, où l’appareil d’Etat était trop faible pour être efficace, devrait nous inciter à réfléchir. D’abord il nous faut juger des évolutions récentes car la France n’a pas toujours été un pays en recul relatif par rapport à l’ensemble de l’Europe. Le poids de l’Etat dans le fonctionnement de ce pays est historique et la France de Colbert ne s’en est pas si mal portée. L’attachement des français, à l’égalité devant le traitement de la maladie, aux entreprises nationales dans le domaine stratégique et dans celui des infrastructures ou de la recherche, a fait les beaux jours d’une France enviée.

Si dans des domaines concurrentiels, comme l’automobile avec Renault, l’Etat peut devenir un patron inadapté, on vient de se rendre compte avec l’accident du viaduc de Gênes que le passage au privé peut s’avérer catastrophique et que nous payons de plus en plus cher aux péages le choix de privatisation de nos autoroutes. Donc si la gabegie financière dans la gestion publique est condamnable, il serait prudent de ne pas porter des jugements à l’emporte-pièce. Mais on pourrait demander au gouvernement de justifier les dépenses somptuaires faites sur les énergies renouvelables que nous payons tous les mois sur notre facture d’électricité, alors que nous somme autosuffisants en production électrique et que ces énergies intermittentes demandent des énergies pilotables thermiques et polluantes même au gaz. L’Allemagne y a déjà englouti de centaines de milliards sans pour autant avoir baissé significativement ses émissions de CO2. Evidemment ce sujet est déclaré tabou, la rémunération des fonctionnaires ne l’est pas. Mais au fait l’augmentation des dépenses publiques est-elle une cause de la baisse de notre PIB/habitant sur la période de 2012 à 2017 ? 

Le graphique ci-contre ne s’intéresse qu’aux variations, les Etats ayant un passé de pourcentage de dépenses publiques/PIB très différent en 2012. Si le lien entre les dépenses et le PIB/habitant, donc la croissance, existe, il doit se voir sur la durée d’un quinquennat dans les pays de l’UE. Le croisement de ces deux indicateurs nous montre qu’il n’en est rien. Il n’y a pas de liaison significative de cause à effet entre les dépenses publiques et le PIB/habitant sur l’ensemble des pays de l’UE. On peut trouver un pays comme l’Espagne où la diminution des dépenses publiques va de pair avec l’augmentation du PIB/habitant, mais l’Estonie fournit la thèse inverse. Si globalement les Etats ont freiné leurs dépenses publiques, on ne peut en déduire que c’est grâce à cela que le PIB/habitant a crû, les conditions économiques mondiales et les liquidités injectées par les Banques Centrales ayant été très favorables durant cette période. On peut donc dire qu’il n’y a aucune preuve que la recette de diminution des dépenses publiques soit l’alpha et l’oméga de la réussite économique. D’ailleurs en 2010 la France était le pays dont les dépenses publiques représentaient la plus grande part du PIB, derrière l’Irlande, et c’est une caractéristique du budget français depuis longtemps même lors des trente glorieuses.

De là à dire que l’Etat jette l’argent par les fenêtres, en payant des fonctionnaires inutiles, il n’y a qu’un pas franchi allègrement par des économistes au libéralisme dogmatique. Evidemment l’Etat n’est pas affranchi des règles de bonne gestion du privé, mais la politique d’austérité dirigée par l’UE entraîne la France à faire des choix de désistement de son action dans des domaines de plus en plus nombreux. Cela va de petites décisions, comme le passage au privé des contrôles de vitesse sur le réseau autoroutier, à de plus importantes comme le passage au privé des énergies éoliennes, du passage progressif du réseau ferré au privé, à la privatisation des aéroports et bientôt des ports pour des gains immédiats, comme cela a été fait pour les autoroutes. C’est la potion à avaler en préventif pour la France et en curatif pour la Grèce. On voit où cela va nous mener. La levée de la tutelle sur la Grèce est illusoire car elle est confrontée à une dette non allégée et aux banques qui vont lui demander des taux d’intérêts exorbitants alors que l’aide de l’UE s’évanouit et que le pays a vendu ses bijoux de famille. La politique d’austérité de l’UE se traduit par une pression sur les dépenses publiques. Par le retrait progressif de l’Etat dans la gestion du pays, l’UE pratique en fait une mise sous tutelle déguisée. 

Mais si la France dépense beaucoup par rapport aux autres pays, il est bon de savoir pourquoi et si on est prêts à diminuer certaines dépenses. Le graphique ci-contre donne les aides publiques au chômage et aux préretraites en euros par habitant en 2016. La France est en tête de tous les pays de l’UE. Evidemment si la France dépense plus que l’Allemagne, c’est qu’elle a plus de chômage. Il n’en reste pas moins vrai que la France dépense relativement plus que l’Espagne dont le taux de chômage est nettement plus élevé. Plus de chômage, c’est plus d’argent dépensé et plus de fonctionnaires pour le gérer. On voit que dans ce cas, diminuer les dépenses c’est augmenter la pauvreté. C’est par ailleurs l’idée que la France est attachée à la solidarité, dont la Sécurité Sociale créée sous l’égide de De Gaulle et du Comité de Salut public ,est une donnée fondamentale de la vision française du vivre ensemble.

Mais la France est-elle si généreuse que cela en matière de chômage et de préretraite vu son taux élevé de chômage ? Pour le savoir il faut ramener l’aide par habitant à un même taux de chômage pour comparer les pays de l’UE entre eux. C’est ce que propose le graphique ci-contre. Celui-ci montre des différences marquées sur la politique de solidarité où un groupe de 7 pays se détache nettement par une politique sociale généreuse. Parmi eux la France ne tient pourtant que la dernière place. Elle est d’ailleurs devancée par l’Allemagne et les Pays-Bas qui tiennent la tête du classement. Cela vient un peu assourdir les cocoricos de la France championne de la solidarité.  A l’autre extrémité on trouve la Grèce incapable de lutter contre la pauvreté des sans emploi. Tous les pays de l’Est sont loin de pratiquer le niveau de solidarité du groupe de tête. On peut donner un satisfecit particulier au Portugal, et à la Hongrie tellement décriée par l’UE et bon nombre de français. Enfin la Suède ne mérite plus sur ce point les louanges habituels. Quant au Danemark, le pays où on vit soi-disant le mieux, tout n’est pas si rose pour les sans emploi. 

Les idées reçues ont la vie dure et l’idée de la politique d’austérité devant non seulement baisser le coût du travail, comme traitée dans l’article précédent, et diminuer les dépenses publiques sont savamment entretenues par le gouvernement et une kyrielle de journalistes soit aux ordres, soit incapables d’essayer dans sonder la réalité. Non l’action gouvernementale numéro 1 de la France n’est pas de diminuer le coût du travail, elle n’est pas non plus de diminuer les dépenses publiques sans discernement. La première priorité est de rendre immédiatement à la France de la compétitivité par le jeu de la monnaie, elle n’est pas de rogner sur l’efficacité du service public, que ce soit pour la santé, l’éducation, la sécurité, la justice, la défense, l’énergie, les réseaux routiers, les canaux et les infrastructures en général. Diminuer les dépenses publiques, ne se conçoit que dans les règles habituelles de bonne gestion, c’est-à-dire éviter les dépenses inutiles ou sans efficacité et ne pas sombrer dans des postulats idéologiques ou des leurres manipulés par ceux qui en tirent profit sur le dos du peuple maintenu dans l’ignorance. Le prochain article reviendra sur ce sujet.

Une bonne politique de gestion de notre pays 

Ne peut pas être une politique imposée.

Elle doit tenir compte de sa singularité 

Tout en se comparant aux autres.
 
Claude Trouvé 
22/08/18

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