lundi 22 octobre 2012

Ecologie oui… mais intelligente (7ème partie)

Siemens tourne la page du solaire, un secteur en crise. Un grand nom de l'industrie allemande, Siemens, a décidé de tourner la page du solaire en annonçant lundi la mise en vente de ses activités dans ce secteur en crise, soumis à une concurrence asiatique féroce.

J’ai eu l’occasion précédemment de mettre en garde contre le développement de l’énergie solaire pour deux raisons principales. La première est que l’énergie solaire n’est pas encore rentable, c’est-à-dire qu’elle ne trouve pas d’acquéreur sans les subventions sur la mise en œuvre et sur le kwattheure produit. C’est une énergie d’avenir sans doute mais la subventionner n’a d’intérêt que si l’on peut créer une industrie française rentable. Hors ce ne peut être le cas, car sur ce marché on retrouve les chinois et les pays à bas coût. Au deuxième trimestre 2012, Siemens avait annoncé que ses entrées de commandes dans ses activités liées aux énergies renouvelables avaient fondu de 66% sur un an.



Ce type de fabrication ne présente pas de difficultés particulières pour des pays industrialisés même s’il s’agit de haute technologie, il est donc livré à une concurrence sans pitié. Il est pourtant intéressant de continuer la recherche, les subventions sont alors utiles, en attendant des percées technologiques assurant une rentabilité par rapport au nucléaire. En effet, en dehors de la production hydraulique d’électricité mais de croissance désormais limitée, le nucléaire reste l’énergie la moins chère. La France est en pointe dans la recherche, sait fabriquer les composants spécifiques, maîtrise l’ensemble du cycle du combustible de la mine au recyclage dans les réacteurs et a diversifié ses approvisionnements sur tous les continents.




C’est justement la deuxième raison de la non-opportunité du développement du solaire photovoltaïque pour l’instant. La non-dépendance énergétique est une précaution essentielle en matière de géopolitique. Or la fabrication des panneaux solaires demande l’utilisation de terres rares. Les terres rares sont un ensemble de 17 métaux aux propriétés particulières et utilisées de plus en plus ces dernières années dans l’industrie de pointe. Des téléphones portables aux écrans tactiles, des disques durs aux GPS, ils sont présents dans la plupart des nouvelles technologies.



Puisque, comme d’habitude, l’industrie civile et militaire avancent main dans la main, ces matériaux sont présents en masse dans les armes et munitions perfectionnées (missiles de croisière, munitions guidées, blindages réactifs, lasers,…) Rare earth materials in the defense supply chain » (PDF), gao.gov, 14 avril 2010”. On en déduit l’importance stratégique d’une telle ressource. Or les nouvelles industries « vertes » sont, elles aussi, particulièrement gourmandes en terres rares : panneaux solaires, ampoules basse consommation, batteries de véhicules hybrides, turbines d’éoliennes industrielles,… La demande en terres rares augmente de plus de 10% par an. Elle est passée, en une décennie, de 40 000 à 120 000 tonnes annuelles. Et la montée en puissance de l’industrie « verte » pourrait faire grimper la demande annuelle à 200 000 tonnes selon des estimations. ) « Comment la Chine a gagné la bataille des métaux stratégiques » Le Monde Diplomatique

A titre d’exemple, chaque turbine d’éolienne industrielle nécessite en effet plusieurs centaines de kilos de terres rares (600kg pour une éolienne de 3mégawatts). Or la quasi totalité des mines se situent aujourd’hui en Chine qui produit 95% de la demande mondiale. On comprend mieux pourquoi la Chine est le leader mondial dans la fabrication des panneaux solaires et dans la fabrication des éoliennes. En monopolisant la consommation de terres rares pour ses propres fabrications, la Chine se trouverait en position de mettre en dépendance la plupart des pays du monde ! Les énergies vertes présentent donc un énorme problème géostratégique qui est volontairement passé sous silence… A tel point que certains États souhaitent la réouverture de leurs anciennes mines (fermées pour cause de trop forte pollution malgré des seuils d’acceptation élevés…) étant donné l’enjeu stratégique et économique d’une telle ressource.

Mais ce n’est pas tout. L’écologie se veut être la protection de l’homme et de son environnement non ?
L’obtention du produit fini utilisable pour des applications industrielles nécessite un niveau de pureté extrêmement élevé (jusqu’à 99,9999% pour certaines technologies « vertes »). Pour y parvenir, cela passe par 3 étapes (le traitement du minerai, l’isolement du groupe, la séparation des éléments). Christian Hocquard (économiste des matières premières au BRGM)

Chacune des opérations de ce processus nécessitent, non seulement une très forte consommation énergétique mais également l’utilisation de substances chimiques extrêmement polluantes (acide chlorhydrique, sulfurique et nitrique notamment). Enfin, la purification rejette des métaux lourds ainsi que des déchets radioactifs (plomb, mercure, cadmium…). Les conséquences d’une telle industrie sont très importantes sur les ouvriers exploités à la mine (explosion du nombre de cancers) ainsi que sur l’environnement. En Chine, les rejets des mines de Baotou Steel dans le fleuve jaune constituent désormais un problème énorme. Les acides s’infiltrent dans le sol, les ruisseaux et les rivières, détruisant les rizières et les réserves d’eau potable.

On touche là en plus à un problème non seulement de bilan énergétique mais de pollution chimique sur l’environnement et de santé publique. On ne saurait passer sous silence ces aspects lorsque l’on prône le développement des énergies vertes. La Chine va devenir le pays le plus puissant du monde, il est suicidaire de rajouter de la dépendance alors que l’on dispose de moyens de produire à moindre coût de l’électricité. Il est aussi irresponsable de prétendre que les énergies vertes vont procurer beaucoup de travail pour remplacer le nucléaire. Les problèmes de sûreté qu’engendrent le nucléaire ne doivent pas faire prendre des décisions qui hypothèquent l’avenir énergétique de notre pays.

En toutes choses il faut raison garder

Et les solutions les meilleures peuvent parfois s’avérer les pires.

Claude Trouvé
Coordonnateur du MPF du Languedoc-Roussillon