vendredi 8 juin 2012

Est-ce possible et opportun de sortir de l’euro ?

C’est la question que se posent beaucoup de français préoccupés par la dégradation de la situation économique de la France. Il faut en effet envisager le problème sous deux angles de vue. Le premier est l’opportunité de la sortie. Il faut déjà remarquer que la question ne se poserait pas si le pays allait de mieux en mieux. Or depuis l’entrée dans la zone euro notre dette augmente et notre commerce extérieur devient de plus en plus déficitaire. Le gouvernement vient d’annoncer que la dette en 2012 serait de 5% du PIB, soit au-dessus des prévisions à 4,5%. C’est donc à un déficit de 100 milliards d’euros que s’attend ce gouvernement qui a beau jeu de dire que c‘est de la faute du précédent.

Si l’on ramène ce déficit aux rentrées fiscales de 270 milliards de la France, donc ses recettes, on constate que le déficit est de 34% par rapport à l’argent dont dispose l’Etat sur une année ! Quel commerçant, quel artisan, quel particulier pourrait soutenir longtemps une telle situation ? Par ailleurs la France va devoir emprunter sur les marchés de l’ordre de 180 milliards pour assurer les échéances au-delà de juin. Cette somme permettra de payer les crédits arrivés à terme, donc le capital, et les intérêts d’emprunt. Emprunter pour rembourser l’emprunt mène souvent le particulier au surendettement.

On sait déjà qu’il faudra emprunter 300 milliards en 2013. La France ne va donc pas bien et moins bien qu’en 2000, année de l’arrivée de l’euro. Le gouvernement actuel peut-il redresser la barre ? Depuis trente-huit ans les gouvernements, de gauche et de droite, se sont succédé et la France n’a cessé de s’endetter. Le gouvernement, sous le prétexte de justice, dépense en pariant sur un avenir souriant de croissance. Le pari est d’abord de financer ces dépenses par l’augmentation de la dette ou par des taxes et impôts nouveaux ainsi que par des dégrèvements d’impôts supprimés. La croissance est plus qu’hypothétique vu l’état de l’économie mondiale et en particulier européenne.

La réponse sur l’opportunité devient claire. Nous ne pouvons que continuer à nous enfoncer car la France ne cesse de perdre de la compétitivité et se désindustrialise. L’euro devient une monnaie trop chère pour nos exportations compte-tenu des contraintes fiscales et d’environnement. Nous ne sommes pas seuls dans ce cas et toute l’Europe du sud souffre.

 Au lendemain de la lourde sanction infligée à l'Espagne par l'agence Fitch, qui a abaissé sa note de trois crans, de A à BBB, la Bourse de Madrid a ouvert vendredi sans surprise dans le rouge. L'Espagne est pressée de toutes parts de demander de l'aide pour ses banques. Cette tension a rejailli sur l'ensemble des Bourses européennes, confirmant que l'Espagne, quatrième économie de la zone euro, est aussi au cœur de toutes les inquiétudes. Les agences de notation évaluent entre 50 et 100Mds€ la somme nécessaire pour secourir les banques espagnoles.

Oui le maintien dans l’euro devient suicidaire pour la France et les autres pays du sud. Ce n’est pas par hasard qu’Angela Merkel vient de parler d’une Europe à deux vitesses. Mais est-ce possible de sortir de l’euro ? Dans les traités signés jusqu’à présent la sortie de l’euro n’est pas prévue. C’est un vide juridique, donc rien ne l’interdit. Il s’agit donc de savoir si un pays en a la volonté politique. Ce n’est pas le cas jusqu’à présent puisque la France s’accroche à l’Allemagne pour soutenir la zone euro et tous les gouvernements jusqu’alors sont solidaires sur le dogme «  Hors de l’euro, point de salut ».

Ils manient depuis dix ans la peur par le catastrophisme de sortie de l’euro, relayés pour cela par l’ensemble des médias jusqu’à l’année dernière. L’opinion publique est donc très méfiante et encore convaincue que la sortie de l’euro n’est ni possible ni opportune. Deux options sont possibles pour une sortie éventuelle, soit revenir au franc, soit rattacher celui-ci à une monnaie commune avec des possibilités de variation de la valeur du franc. La deuxième solution serait sans aucun doute préférable mais demande l’accord d’autres pays.

Il me reste à parler des conséquences économiques redoutées par les gens de bon sens. La première est la nécessité d’une dévaluation de la monnaie pour redonner de la compétitivité au pays et rééquilibrer notre commerce extérieur. La deuxième découle de la première, c’est le renchérissement de tous les produits importés… et seulement ceux importés. La plupart ne sont pas vitaux pour le particulier et souvent les matières premières ne représentent qu’une faible part du coût pour les industries.

C’est aussi l’augmentation corrélative de la dette disent certains. Ce raisonnement simpliste ne résiste pas à une analyse plus approfondie car il faut tenir compte du fait qu’une grande partie de la dette est détenue par des français. Par ailleurs il est dit dans les traités que les emprunts sont faits en monnaie nationale. En tenant compte de ces deux aspects j’ai montré, dans un article précédent du 8 décembre 2011, que l’augmentation de la dette n’a rien d’évident et que la dette peut même diminuer dans certaines conditions.

Il ne s’agit pas de dire que la sortie sera indolore, puisque le pays s’appauvrira globalement pendant un temps, mais c’est, au lieu d'une mort lente et programmée, un nouveau départ vers une sortie par le haut du trou dans lequel nous nous enfonçons. L’exemple de la Suède qui a dévalué de 25% en 2008 et est redevenue compétitive devrait nous rassurer.

Un pays enfumé et mal gouverné

Ne peut plus voir la sortie

Il lui faut alors du courage et de l’intelligence

Pour la trouver et ne pas mourir asphyxié.

Claude Trouvé